Cité En passant

DON D’ORGANES : COMMENT SE SENTIR CONCERNÉ QUAND ON NE L’EST PAS ?

30 juin 2014

J’essaie de me persuader que ce n’est pas de l’égoïsme.

Mais en fait, je ne sais pas bien. Je n’y arrive pas. Je n’arrive pas à savoir. On le sent au fond de soi quand on a raison. Tout au fond, il y a cette petite voix qui nous remue et  nous relaxe.

Là, ce n’est pas le cas.

J’ai toujours plus ou moins pensé le sujet mais ces derniers jours, en suivant le mur d’une amie sur Facebook, j’y ai pensé plus que d’habitude.

Semaine du don d’organes. Ou mois du don d’organes. Ou opération de sensibilisation, ou j’en sais rien, je ne sais pas exactement. Mais des statuts concernant le don d’organes. Qui disent qu’il faut se souvenir, qu’il faut se rappeler, qu’il faut dire, faire les papiers correspondants, que c’est important, que c’est bien si tu donnes, ça fait de toi quelqu’un de bien, une belle personne.

Evidemment.

Evidemment que c’est important…

mais je n’arrive pas à me faire à l’idée.

Don du sang, de plaquette, de moelle, d’organes de son vivant (reins, toussa)… oui, j’y vais sans sourciller, les yeux fermés. Mais le don d’organes, une fois mort… j’irais aussi les yeux fermés si j’acceptais le deal me direz-vous… certes…

Mais non.

Des personnes confrontées à des problèmes médicaux pour eux ou leur proches me diront que je doute parce que je ne suis pas concernée, me demanderont d’imaginer le « Et si ça arrivait à une de tes filles ?« …

Forcément, quand des choses comme ça (ou d’autres) t’arrivent en pleine gueule, tu te comportes autrement.

Le père qui a perdu son fils sur la route ne prendra plus sa voiture de la même façon. La mère dont la fille a été violée ne verra plus les hommes du même œil.

Alors comment se sentir concerné quand on ne l’est pas ?

La question peut paraître franchement stupide, et pourtant…

Le don d’organes…

« De toute façon, tu seras morte... »… « Elle revivra dans un autre corps... »…

C’est ça le truc en fait… Avant de pouvoir donner son cœur, ses yeux, encore devons-nous pouvoir accepter que nous allons mourir, plus ne rien ressentir.

Et le vrai truc, c’est d’accepter de ne pas être mort juste pour une heure, une semaine, un mois ou un an, mais pour l’éternité.

Mourir pour toujours.

don-organes-ladyblogue-2Accepter que nos organes ne nous serviront vraiment plus à rien du tout.

Plus à rien à nous. Mais qu’ils pourront servir à d’autres… Que d’autres pourront continuer à vivre…

Que d’autres pourront vivre grâce à notre mort à nous…

Comment accepter sa mort, comment appréhender quelque chose que l’on ne connait pas personnellement ? On l’a vue sur les autres, chez les autres, oui, mais nous, c’est différent, nous sommes inatteignables, on passera à travers à coups sûrs !

Oui, moi, j’ai la trouille de donner mes organes après ma mort. J’ai la trouille égoïste. Ou l’égoïsme trouillard, comme vous voudrez.

En fait je ne sais toujours pas si c’est de l’égoïsme. Je dirais plutôt que c’est comme un instinct de survie. Un sentiment qui va à l’encontre de toute mathématique. Comme le vertige de l’amour, qui lui est plus glorieux…

On a beau « éduquer », on a beau « voir en face », on a beau dire « je ne sais pas » autour d’une table animée : au fond de soi, au calme, loin des visages-juges, ce n’est plus la même musique.

Je ne sais pas.

Si je sais… Si je sais… Je sais que je ne suis pas prête. Trop d’inquiétudes,  trop de certitudes pour pouvoir signer… Je sais… je ne suis pas prête.

Je me dis que la vie avançant, elle arrivera à me convaincre, qu’elle arrivera à me souffler que je dois. Que ma nature « humaine » doit.

Quand je n’aurais plus rien à espérer.

Mais aujourd’hui je ne peux pas. Et vous le dis, la pensée nébuleuse et le visage baissé… 

 

 

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