Je ne sais pas si c’est moi ou si c’est la vie qui me met à l’épreuve. Si c’est moi qui porte la poisse ou si c’est elle qui me teste, qui veut voir jusqu’où je peux aller, ce que je suis capable de subir.
Parce qu’à chaque fois c’est la même chose. Un moment fort, un moment important, décisif, et voilà que ça arrive.
Le stress, la poisse, les choses improbables, irréelles. Exactement ce qui s’était passé cet été lors de ma virée aux Vieilles Charrues quand j’ai rencontré Matthieu Chedid. Les temps qui s’égrainait, les quiproquos, les allers et venues, les oui je vais le voir et les non c’est foutu, les bon je m’en vais et les putain faut que j’y retourne. Cœur en sursaut, comme si quelqu’un voulait voir si il battait bien.
Et puis dimanche. Départ de Quimper. 11h38. Direction Paris. Bagages ok. Ma tête commence à se mettre dans l’ambiance. Je commence à réaliser, à penser à toutes les personnes que je vais voir, à toutes ces rencontres, à ces lieux que je veux (re)découvrir.
Et puis… Et puis…
Gare de Lorient, la merde commence. Arrêt pour « incidence sur voie ». On nous bredouille une histoire de caténaire, d’incendie, de « problème de vigilance ».
Un homme qui vient de monter dans le wagon marmonne que ça ne va pas du tout. On lui a dit « train bloqué. Entre 1h et 1h30 d’attente ». Putain de merde !
La tension monte. Je n’y peux rien. Faut patienter. Mais bordel ça me fait chier. Fallait que ça tombe aujourd’hui.
La voix du monsieur SNCF jaillit dans les enceintes : Mesdames et messieurs, nous vous informons que le train peut repartir (youpiiiiiiiii !!!! Comme dans les tableaux du Douanier Rousseau, patali patalo tralali tralalo !!) jusqu’à Auray où il fera une pause de 1h30 (bah non, pas youpi… qu’il est loin mon Pays, qu’il est loin…).
Gare d’Auray. Attente. Clim à max.
Il fait -47°C.
La SNCF a décidé de me tuer.
Je remets mon manteau, m’enroule de mon écharpe.
Et puis la deuxième nouvelle tombe. Deuxième coup de massue. Un suicide.
Quelqu’un a eu la putain de putain d’idée de passer sous les rails. Nan mais bordel !!! (Paix à son âme) Acte de malveillance… Suicide… Nan mais vous voulez que je pète un câble ou quoi ? Un dimanche soir, un jour de novembre… et paf… !
Train stoppé. Complètement stoppé. Non, madame, il ne repartira pas. Non non madame, je vous assure…
La France est l’un des pays européens les plus touchés par le suicide et les régions de l’Ouest et du Nord sont très nettement au-dessus de la moyenne nationale. Mais comment dire… C’est sûr, il y a quelqu’un qui vient de se jeter sous les rails, son corps doit ressembler à un puzzle, ouais… je sais, mais à ce moment précis, je lui en ai voulu à ce mec, à cette nana… Je suis horrible.
Un monsieur à la casquette nous « invite » à sortir tous du wagon, à sortir de la gare et à aller prendre un car qui va nous emmener à Rennes. Si vous réussissez à imaginer ma tête à ce moment précis, vous rirez pendant 40 jours non stop.
Hallucination des oreilles, augmentation du rythme cardiaque, cheveux raidis, esprit partagé entre tuer quelqu’un (ça ferait un deuxième mort) et hurler dans tout Auray « Putain de bordel de chié la bite« . Oui, parfois la vulgarité à des vertus salvatrices.
Je m’exécute. Je prends mes bagages, je descends du wagon, je sors de la gare, je monte dans le car. Et là, la seule question qui me vient à l’esprit est : depuis quand je ne suis pas montée dans un car ?? Un CAR ! Pas un bus, un CAR ! Le genre de transport que tu ne prends plus après 14 ans ni avant 70 ans…
J’ai l’impression d’être en partance pour la Croatie avec un groupe du 3ème âge. Pourquoi la Croatie, je n’en sais strictement rien mais pour le groupe du 3ème âge, vu le nombre de têtes demi chauves blanches et/ou violettes devant moi, vous auriez pensé la même chose.
Je branche mes écouteurs. C2C me calme. Y’a une Madame Mamie à côté de moi qui me parle, elle n’a pas du voir que j’écoute de la musique. Je vois ses lèvres flétries remuer dans tous les sens. Je la vois râler. Je ne réponds pas. Si je lui réponds, elle va me prendre pour une folle et risque d’avoir peur. On va éviter un autre mort…
En avant Rennes. Le car démarre. Il est blindé. De la buée plein les vitres. Ambiance sauna.
Il fait +78°C.
La SNCF a décidé de me tuer.
Le temps me paraît long. Collant.
Je devais arriver à Paris à 16h14. J’avais prévu un petit timing sympa avant d’aller à la soirée. Histoire de me détendre, de prendre le temps, le temps d’une douche, le temps de souffler un peu, de prendre un nouveau rythme. Me gommer de ma vie quimpéroise pour m’enrouler de ma vie parisienne.
Tu parles ! Que nenni ! Rien. Nada. Walou !
Le car arrive à Rennes.
Le chauffeur nous annonce au micro qu’il va nous déposer à la gare routière. Les gens du fond gueulent. Nan ! Pas à la gare routière, vous nous déposez juste devant la gare ! On va louper notre train ! Vous n’aviez qu’à rouler plus vite au lieu de parler tout le trajet !
Et voilà. Voilà voilà que le car se divise en deux. La partie 1, celle du fond qui gueule parce que le chauffeur a parlé durant le trajet aux personnes assises juste devant et la partie 2, celle de devant qui s’offusque d’une telle réaction. Des « oh ben ça alors » se mêlent aux « je n’ai jamais vu ça ! ».
Moi, je suis assise au milieu, le corps électrique.
« Et puis il est interdit de parler au chauffeur », lance un ronchon !! (nananananère) suivi d’un tonnerre d’applaudissements.
Je n’arrive même pas à en rire.
Les esprits s’échauffent. Certains se lèvent et commencent à vouloir se fighter comme des coqs trop cons.
Il est 16h00 tout pile. « Pour ceux qui vont à Paris, il y a un train à 16h03 ».
16h03. Il plaisante Monsieur Car ?
16h03. C’est dans 3 minutes ! Et je suis toujours DANS le CAR.
Je descends comme une furie, j’attrape mes valises dans la soute à bagages, je bouscule sans dire pardon. Je me dirige vers la gare. Je cours. Je cours. Avec des talons. Youpi Lady. J’ai un chrono à la place du cerveau, moins de 3 minutes pour trouver le quai, pour trouver le train. Je cours, je cours, je cours, je porte mes valises comme une débile (putain Delphine, pourquoi 1 valise cabine, 1 sac et 1 sac à main ?? Bordel de gonzesse !), je m’entends même crier dans les escaliers un peu à la Monica Seles quand elle tapait dans la balle.
Je dévale ahurie.
Un train devant moi.
C’est le train pour Paris ???
Oui oui, madame, mais c’est trop tard !! Nan !! Faites attention ! Nan, les portes vont se fermer !
Je ne réfléchis pas. Je saute dans le train telle une gazelle ailée, bon…. non…. Je saute dans le train telle une baleine échouée… Les portes se ferment. Je lâche mes bagages et mes larmes se lâchent avec.
Je pleure oui, mais j’y suis. J’entends les rails grincer.
Je m’écroule sur un siège.
Un couple d’amies me regarde. Ça va aller ? Vous voulez un peu de sucre ?
La copine me tend un Twist. Non merci, c’est gentil.
Je me sens comme une pauvre débile. La course car/train a fini par m’achever…
Il fait +1 545°C.
La SNCF a décidé de me tuer.
J’arrive normalement à Montparnasse à 18h30.
Juste eu le temps de jeter tout mon bordel à l’hôtel.
Juste eu le temps de respirer deux minutes.
Juste eu le temps de refaire un peu ma tête de baleine échouée.
Juste eu le temps de prendre de l’énergie dans les bras de Paris.
Et je vous ai enfin rejoints pour cette belle, très belle, très très belle soirée.
2 Comments
J’ai vécu la même chose, au retour d’une journée à la Capitale… J’avais ma fille de 5 ans avec moi, j’étais hystérique! Elle s’en souviendra de son premier voyage en train!!
Bonjour Ladyblogue,
Comment ça vous ne prenez pas le car ??
Nous sommes d’accord, le car Quimper – Paris (et même Lorient – Rennes) c’est peut-être un peu moyen bof…
Mais il y a mille et une bonnes raisons de prendre (de temps en temps) le car en Finistère !
Vous devriez vous pencher sur tous les services qu’un car peut vous rendre :
– les lignes des plages. L’été direction la plage, des rotations régulières à partir de 7h et jusqu’à 19h, un peu partout en Finistère et pour 3€ !!
http://www.viaoo29.fr/presentation/?rub_code=8&thm_id=71
– les grandes lignes. Partir de Quimper, monter à Brest faire le shopping de Noël, sans se prendre la !?@#!!#?? de tête à se garer et payer une fortune en parking…
– les festivals. Profiter des lignes temporaires mises en place (pour pas cher en plus) pour aller aux Vieilles Charrues, au Boudu… (bon ça marche pas quand vous avez rencard avec -M-… quoique, je vous vois bien supplier le chauffeur de car à genoux pour qu’il vous fasse descendre, afin que vous retourniez voir votre idole dans les backstages… :p)
– l’intermodalité, les réseaux connectés, les correspondances gratuites… et même des correspondances avec les TER ou votre SNCF chérie.
+ plein d’autres encore… comme par ex : un car n’est pas obligé de suivre des rails et peut emprunter un trajet de contournement en cas d’accident, travaux…
Sur Viaoo (http://www.viaoo29.fr/), vous pouvez même organiser vos trajets… Bon c’est sûr la voiture c’est pratique, rapide, mais le car n’est pas réservé au moins de 14 ans et au plus de 70 ans isolés, on met généralement un peu plus de temps pour les trajets mais c’est pas cher, malin et ça fait du bien aussi à la planète.
Alors, heureuse ? Bonne journée Madame !