– Allez-y, déshabillez-vous.
– Oui.
– Des antécédents dans la famille ?
– Oui, mais c'est loin, une arrière-grand-mère.
Plus c'est loin, moins ça compte n'est-ce pas ?
Silences.
Du bruit, des positions, des gestes, des examens.
Long.
– Vous pouvez vous rhabiller, je reviens.
Je m'exécute et je tourne en rond. La couleur n'est que dans les chaises. Le reste… Les machines font du bruit, la lumière carrée est trop blanche, le sol… le sol… clinique. J'attrape une revue. Impossible d'aligner trois mots. Elle revient.
– On doit refaire un examen. Redéshabillez-vous s'il vous plait.
Le coeur bat. Elle me parle, m'explique. Je n'entends rien. Je suis debout face à elle, la peau nue, le corps ballant. Je n'entends rien.
– Excusez-moi, je n'ai pas compris.
Ma voix basse. Densité. Je suis une fille "dense".
Elle repart.
Je me rhabille.
La machine, toujours bruyante. La lumière, encore plus blanche. Je tourne. 5m2. 6 à tout casser.
Tout casser.
Je fixe la serrure de la porte. 2 clés immobiles. Pas un souffle. Pas une fenêtre. J'ai besoin d'air. Le vacarme silencieux m'étouffe.
La revoilà.
Besoin encore d'un nouvel examen. Plus poussé. Encore un autre. Je la sens bizarre. Pourquoi ne me regarde-t-elle pas dans les yeux. Gêne ou concentration ?
Elle me fait changer de pièce. Aussi close.
Des chariots qui dégueulent de métal et des fioles. Une autre machine plus petite mais toute aussi bavarde.
– Déshabillez-vous. Mon confrère va prendre le relais.
Je m'exécute pour la troisième fois. Je m'assoie sur la bande de papier bleue. J'essaie de me canaliser. Je ne veux plus bouger. Tête baissée. Mains bloquées. Les images et les mots sont plus difficiles à dompter.
Comment je serais avec des cheveux courts ?
Sur l'écran de la bête mon nom, mon prénom, 36Y, un numéro, A-12706.
2 portes. Les paris sont ouverts. Si elle entre par celle de droite, ca ira ; par celle de gauche, ca pue. On cherche une signification dans tout. Ca aide à attendre. Ca aide à penser que le destin peut changer. Lignes des pavés, nombre de marches, nombre de pas jusqu'à là-bas, nombre de feux rouges. J'ai toujours fait ça. Appelez-moi Raywoman.
La porte de droite s'ouvre. Une femme. Je m'allonge. Elle "regarde". Elle sent aussi. Comme l'autre. Dur.
– Respirez. Soulevez vos cheveux.
Elle attrape la bête, la pose sur moi. On est toutes les deux silencieuses. Trop. Elle me regarde tantôt moi, tantôt son écran. Des dizaines et des dizaines de fois. Le premier. Puis le deuxième.
Elle me sourit enfin.
– Tout va bien.
Je la regarde. Rien ne sort. Je tente de garder le trop plein d'eau. Elle me caresse l'épaule et me sourit encore.
Je vais bien et je pleure.
29 Comments
Tu vois bien qu’ Alphonse Karr peut avoir tort !!!
Ta réalité ne te fait pas regretter l’incertitude,
elle te libère.
Mais il faut avoir le courage d’aller la chercher.
Que d’émotions _ tu as mis en mot ce que j’ai eu l’occasion de ressentir , quel soulagement …
Tu vas bien, et je pleure…
Juste : ouf ! content.
Champagne !
… je ne savais pas. J’ai lu. j’ai compris. Je ne te connais pas et étrangement je suis heureux pour toi.
C’est le début d’un nouveau cycle ? positif le cycle !
En tout cas ça c’est fait et c’est une bonne chose.
Rien à voir avec ce sujet mais j’ai lu plusieurs fois et à plusieurs endroits différents le même style réflexion de ta part. Des trucs du genre : « un instant ou une seconde oui, une vie non » ou alors un « j’y croyais, j’y crois plus ». Tu vois de quoi je parle ? Je ne sais que trop en penser… mais ça serait bien dommage.
et bien pleure çà fait du bien …….
…
Je ne te connais qu’au travers ton blog, mais j’ai eu la gorge serrée en te lisant…
Quand ça vas pas, on n’arrive pas à pleurer…
Sincèrement heureuse pour toi !!!!!!
Hé bé !
Heureusement que le titre disait l’essentiel…
Et ben là, j’ai le trophée du courage !
😉
Oui…
Et ben là, tu vois, maintenant, c’est moi qui pense à toi.
Pareil.
Jéroboam !
… touchée…
… explique encore…
Fait.
Pareil.
Merci.
Ouais, pas de suspens avec ces conneries.
Non pas de suspens, je suis bien d’accord. C’est du vécu aussi. Bonne journée alors?
ouffff…. mais quel terrible moment de solitude… gloupsss
Depuis hier, un peu comme 4largo tu m’as tellement inquiétée que je n’ai même pas eu le courage de venir jusqu’ici lire … et maintenant je suis soulagée d’être passée … Bisous
Bonne journée, heu… non, mais super soirée !!
Et depuis, res-pi-ra-tion…
Carrément.
Commentaire très touchant.
Merci Manue.
Ah ben là je me sens tout con, j’ai complètement raté ce passage…je ne savais pas mais suis rassuré de savoir que tout va bien 🙂
des biz (plein)